OPOUL-PERILLOS
Soleil, Canigou enneigé et …tramontane, voilà une belle journée catalane.
14 courageux sont au rendez-vous de Béragne, je dis courageux car le rendez-vous est très matinal parce que nous allons loin et en plus, on a changé d’heure ! ça fait du 6 h 45.
Mais bientôt Narbonne, Fitou et nous voilà arrivés ! Depuis quelques moments, le massif du Canigou s’offre à nous, immense et étincelant.
Nous traversons le village d’Opoul et ses maisons de vignerons. Cap sur le château qui se détache, impressionnant, sur le ciel bleu loin au-dessus de nous. Une belle végétation méditerranéenne nous entoure - on s’y attend, bien sûr- avec beaucoup de genévriers, de fenouil vert tendre et de romarin en fleurs. Il a beaucoup plu ces temps-ci dans les Pyrénées-Orientales et on voit que la végétation en a bien profité. Plus on monte -et on monte-, plus la vue est belle sur le village, sur la mer argentée dans le soleil et sur le Canigou. Mais plus la tramontane monte aussi, en force, elle. Nous devons lutter contre les rafales qui nous déséquilibrent à tout instant.
Nous approchons du château de Salvaterra construit par Jacques 1er d’Aragon en 1246 (pour l’anecdote : ça veut dire la même chose que Montségur : terre/mont « sûr »). Nous sommes ici en terre de frontière. Entre 1258 (traité de Corbeil) et 1659 (traité des Pyrénées), royaume de France et royaume d’Aragon se faisaient face. Pas très loin, du côté français, il y a le château d’Aguilar. Plus nous avançons, plus nous admirons l’utilisation que les bâtisseurs ont fait de la roche : rochers et pierres maçonnées sont étroitement imbriqués au point qu’on ne distingue pas toujours la pierre des hommes de la pierre des temps. Il y avait un village sur le terre-plein autour du château, puis la population est descendue vers Opoul (comme partout à la fin du Moyen Âge). Lors d’une des multiples guerres franco-espagnoles, le château fut occupé par les Français en 1639 et démoli sur ordre de Richelieu en 1642.
À vrai dire, nous n’avons pas eu le loisir de vraiment le visiter, ce château. Le seigneur avait oublié de verrouiller le toit ouvrant et de fermer les portes. D’où un vent démentiel (j’ai entendu quelqu’un parler de 100 km/h). Impossible d’avancer, le vent nous renverse (moi, j’ai été projetée dans des buissons et mon bonnet pourtant bien enfoncé m’a été arraché deux fois, mais heureusement rattrapé par des branches épineuses). Certains ont continué à quatre pattes. Bref, nous sommes repartis à grand peine en nous accrochant de branche en branche.
Une petite descente puis un long cheminement dans la garrigue avec des horizons somptueux, les Pyrénées enneigées et toujours le mugissement de la tramontane (moins fort quand même que là-haut). Nous cheminons sur un sentier labouré par les sangliers. C’est le temps de la première floraison de la garrigue, avant l’explosion des cistes. Arbrisseaux de romarin couverts de fleurs bleu pâle, petits pissenlits resplendissants de leur soleil tout neuf, une orchidée, des iris sauvages, de toutes petites jonquilles sauvages elles aussi, parfois isolées, parfois en petites forêts qui plient mais tiennent bon courageusement dans les rafales ; elles sont très touchantes dans leur fragilité. Et puis tout à coup un véritable petit jardin plein de couleurs, inattendu dans cet environnement de genévriers, de kermès et de pins: des iris d’un violet profond, des jonquilles dorées et des tulipes sauvages, rouges et jaunes, toutes petites elles aussi (en fait, ce sont des tulipes militantes catalanes, sang et or).
Une ferme et non loin, le célèbre genévrier de 1600 ans. Il dresse son admirable forme ronde (ce n’est pas habituel pour un genévrier, généralement on le voit à l’état de buisson) en plein milieu d’une vigne, mais nous ne pouvons l’approcher, tout est clôturé.
La végétation se fait plus dense, pins, chênes et oliviers. Nous avons des vues magnifiques sur le château d’Opoul, dont nous sommes loin maintenant, ce qui nous permet d’apprécier sa position de domination.
Nous choisissons de pique niquer dans une clairière encerclée de pins et de cyprès. Nous avons bon goût certainement, le même goût en tout cas que les sangliers y ont batifolé. Nous mangeons au milieu des pissenlits, des jonquilles, des aphyllantes, des petites étoiles roses du géranium pourpre ; un peu plus loin, une petite forêt de tulipes sauvages. et une très belle valériane tubéreuse. La sieste se prolonge : il y a du soleil, du ciel bleu et nous sommes à l’abri du vent.
Nous finissons par repartir, quand même ! Nous descendons sur une large piste, à travers une forêt de pins, avec même quelques cèdres. Nous avons le plaisir de suivre un moment le vol magnifique d’un aigle de Bonelli, aux larges ailes brunes et au ventre blanc, puis celui d’un milan royal.
Et puis nous abordons une série de canyons, enserrés entre des falaises percées de grottes. Un véritable circuit de canyoning, avec quelques petits gours remplis par les pluies récentes. Et des rochers et des cailloux et des rochers, les parois se resserrent, il y a même un endroit où il faut se mettre de biais pour passer. Un petit sentier raide pour aller voir une grande grotte qui surplombe le lit de notre torrent. Une entrée a été maçonnée dans des temps anciens et des arcades bâties de main d’homme se mêlent à l’arc naturel. Une petite pause sous un très bel arbre (un filaire ?) Puis nous redescendons dans notre lit de torrent : des cailloux et des rochers et des cailloux entre les falaises. Et toujours du vent.
Nous finissons par quitter nos canyons par une large piste qui remonte doucement en lacets serpentant au milieu d’une forêt ; le vent nous a accompagnés tout au long, même au plus profond des canyons, mais il était un peu moins fort. Et là, plus on remonte, plus nous retrouvons les rafales, quand nous arrivons sur la route qui va nous ramener à Opoul, c’est de nouveau le déchaînement et nous finissons notre rando enveloppés dans cette tramontane démentielle. Le Canigou nous a accompagnés toute la journée, si proche, luisant de sa neige glacée sous le soleil. Et aussi la mer argentée, avec au loin le cap Cerbère et le cap Creus.
Dernière image sur la route du retour, des vergers de pêchers rose vif nous rappellent que nous sommes en Roussillon, le pays des premiers fruits à chaque saison …
Merci Jean pour ce beau circuit aux paysages somptueux et très divers et pour cette journée… revigorante !
Claudine P.
Photos de Martine et d'Alain
Photos de Roger