Nous étions dix sur le parking de Laurac, un
village du bout du bout … du bout de quoi ? Un village méconnu qui fut
pourtant au cœur de l’histoire.
Il faisait bien gris quand nous avons quitté
Carcassonne, les Pyrénées ne daignaient pas se montrer, le ciel était toujours
bas quand nous avons entrepris la vaillante montée qui nous a amenés sur les
crêtes où nous attendait le vent mais aussi un paysage à couper le souffle. Au
premier plan, Laurac, village accroché aux pentes de sa butte, avec, tout au
sommet, son église. Tout autour, lui faisant écrin, une succession de
vallonnements, une alternance de bosquets et de garrigues et de champs dont la
mosaïque de couleurs révèle, même en ce temps d’hiver, la variété des cultures.
Derrière, la plaine et Castelnaudary dans une tache de soleil. Plus loin
encore, la Montagne Noire, encore coiffée de nuages.
Devant ce panorama, on n’a pas résisté à une
lecture historique du paysage. Laurac est l’exemple même d’un
« castrum » médiéval, bâti sur une position élevée qui, plus même que
la défense, permettait l’affirmation du pouvoir seigneurial sur le pays
environnant. La seigneurie de Laurac fut assez importante pour donner son nom
au pays de Lauragais et du haut de leur château, qui s’élevait à l’emplacement
de l’église actuelle, les seigneurs du lieu tenaient une place importante entre
les comtes de Toulouse et ceux de Carcassonne. Ils disparurent dans la
tourmente de la croisade contre les Albigeois mais de toutes façons, le destin
du village était tracé. Au cours des derniers siècles du Moyen Age, partout le
pouvoir glissa de ces châteaux perchés, impressionnants mais difficiles
d’accès, vers les plaines où passaient les voies de communication, où
prospérait le commerce et où une administration de plus en plus nombreuse
pouvait s’implanter. Le paysage que nous voyons ici illustre admirablement
cette situation : de Laurac, capitale du pays de Lauragais au début du
Moyen Age juchée sur son piton, la puissance publique se transporta sur
Castelnaudary, la ville de la plaine et de la grande route. L’autoroute que nous devinons là-bas, au-dessous de nous,
en est aujourd’hui l’héritière.
Et
ce n’est pas le seul appel de l’histoire dans ce paysage de Laurac. Loin des
« citadelles du vertige » un peu abusivement associées au catharisme,
c’est ici, dans ces villages du Lauragais, que l’hérésie cathare fut la plus
profondément implantée. Blanche, dame de Laurac, en fut une des plus grandes
figures et elle établit à Laurac une maison, un couvent pourrait-on dire, de femmes
hérétiques. Parmi ses enfants, deux furent des héros tragiques du temps de la
croisade contre les Albigeois : Aimeri, seigneur de Montréal, fut exécuté
avec ses 80 chevaliers par les hommes de Montfort tandis que sa sœur na
Geralda, dame de Lavaur, était jetée vivante dans un puits où elle fut lapidée.
Et
ce n’était pas fini ! L’histoire nous a rattrapés tout en haut des crêtes
où subsiste encore une énorme borne de carrefour du XIXe siècle, qui
ressemble plus à un obélisque qu’à nos panneaux routiers et, tout à côté, témoignage
d’une autre période tragique, une stèle à la mémoire d’un franc tireur partisan
tombé ici à la veille de la Libération.
Et
puis, récompense de notre vaillance, le soleil s’est levé et a éclairé
magnifiquement le paysage. Et ce furent des sentiers semés de pétales roses ou
blancs d’amandiers en fleurs, bordés de romarin en fleur et d’autres fleurs
printanières, jaunes, bleues, et émaillés de pâquerettes roses et blanches.
Puis le village de Laurabuc, un détour par son église, une petite pause tout en
haut du village au pied d’une impressionnante croix de mission, la découverte
d’un très joli lavoir, original, établi sur un barrage de ruisseau, la montée du
calvaire, chemin menant à la chapelle au milieu de grands arbres, jalonné par
les 14 stations dont les images naïves ont été récemment repeintes de couleurs
vives. Et enfin le retour sur Laurac, avec de très belles vues sur les Pyrénées
enneigées qui, enfin, du Madres au Canigou, se révélaient à notre horizon, et
des arrêts à de beaux édicules protégeant les fontaines du village et le
« poids public ». Cerise sur le gâteau, certains ont rajouté une
petite visite de la partie ancienne du village, les restes de ses remparts, son
église monumentale couronnant la colline et tout là-haut, sur une terrasse
sommitale, un amandier dont les branches lourdes de fleurs blanches se
détachaient sur de lourds nuages noirs dans la lumière dorée du soir…
Merci à Jocelyne et à Martine de nous avoir
fait découvrir ces paysages chargés d’âme.
Compte rendu de Claudine
Photos de Roger ici
Photos de Jocelyne ici
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