Nous sommes une bonne trentaine à nous retrouver à Villarzel-Cabardès et à nous engager sur un chemin entre vignes et champs. Le ciel est gris, le vent est fort mais le printemps est là. Le sentier déborde de pâquerettes et sur les talus des coquelicots émergent de l’herbe verte (autrefois, ils apparaissaient en juin mais…) et aussi les jonquilles, les pissenlits, la roquette, le petit géranium sauvage.
Et voici une belle allée de cyprès et des pervenches à leur pied : nous arrivons au château de Villarlong. C’est une construction massive de la Renaissance avec ses quatre grosses tours et ses hautes murailles couvertes de vigne vierge. Aujourd’hui, c’est un hôtel restaurant de charme. Au Moyen Âge, il y avait là un village fortifié et un château appartenant au seigneur de Cabaret ( le principal des châteaux de Lastours qui a donné son nom au Cabardès), ce qui explique le nom de Villarzel-Cabardès porté par la commune actuelle alors que nous ne sommes pas en Cabardès mais en Minervois. Le village a probablement été rasé, comme celui de Cabaret, pour hérésie à l’époque « cathare ». Il en reste l’église, une belle église romane malheureusement pas en très bon état, longtemps reléguée au rang de bergerie. Tout autour, des restes de constructions, de bassins, éléments de l’exploitation agricole qu’était devenu le lieu. Et au milieu, c’est un déluge de pervenches.
Nous empruntons un petit pont pour rejoindre notre sentier. Bientôt nous atteignons une magnifique allée d’oliviers qui nous amène aux ruines de Notre-Dame de la Lauze. C’est une église en pleine nature, construite à l’époque carolingienne (IXe-Xe siècle) sur un édifice plus ancien. Peut-être était-elle liée à une « villa » antique, un grand domaine d’exploitation. Il reste de beaux vestiges, des murs bâtis en « arêtes de poisson », alternance de pierres inclinées, un bel arc séparant le chœur de la nef, la base d’un autel-reliquaire. Et tout autour les ruines de constructions, pas un village mais sans doute le lieu de vie de quelques religieux, et des tombes.
Nous repartons par l’allée d’oliviers et gagnons des espaces plus sauvages. Le chemin, plus accidenté, serpente au milieu des chênes et des lauriers tins chargés de leurs lourds bouquets blancs. Une pause au milieu de cyprès, des grands, dressés vers le ciel, et des tout neufs qui émergent de l’herbe. Nous longeons des vignes puis nous replongeons dans notre petit bois.
Et voilà le « moural des morts » (moural, en occitan, c’est le museau, et par extension, une colline en forme de museau, c’est donc la colline des morts). Là, sous de grands pins qui s’inclinent, des tombes alignées vers le soleil levant, des grandes et des petites, beaucoup d’enfants. Ces tombes sont formées de dalles de pierre tapissant les cavités, recouvertes d’une dalle plate pour certaines, de dalles inclinées « en bâtière » pour d’autres. Découvert à l’occasion de travaux agricoles, le site a été fouillé depuis 1967. Ce cimetière, à l’écart du monde des vivants selon l’habitude antique, a été utilisé pendant les VIe et VIIe siècles, au temps du royaume wisigoth. L’étude des sépultures a montré qu’il s’agissait d’une population rurale pauvre, sans doute le personnel d’une « villa » antique ; hommes et femmes ont été enterrés avec leurs parures, des fibules, des colliers, une bague… qui permettent de dater et de rattacher au monde wisigoth. Une tombe plus importante que les autres contenait une fiole de verre bleu. L’étude des ossements a permis de déterminer beaucoup de liens familiaux, de repérer notamment des spécificités osseuses héréditaires … qui ont été signalés de nos jours encore dans la population carcassonnaise ! Et de deviner des drames : deux hommes ont été décapités.
L’émotion saisit sur ce site. Loin des espaces habités, dans la sérénité d’un bois de pins, les yeux sur l’horizon des collines, il n’est pas si difficile de sentir la présence de ces hommes et de ces femmes qui, génération après génération, sont venus déposer les leurs revêtus de leurs plus beaux habits, même s’ils n’étaient pas riches, et de leurs quelques bijoux, qui ont placé les enfants morts autour d’un parent, qui ont planté une pierre triangulaire dépassant la tombe pour pouvoir la localiser et y revenir…
Nous repartons vers notre monde à nous. Les signes du printemps sont toujours là, des iris sauvages, violets ou jaune pâle, des orchidées araignées, des muscaris et des pâquerettes en foule. Nous saluons d’élégants chevaux, crinières au vent ? avant de retrouver notre point de départ.
Merci à Jocelyne et à Nicole qui nous ont menés sur ces sentiers fleuris à la rencontre d’un passé qui habite notre terre.
Et une mention pour Christian que nous avons été très heureux de retrouver.
Claudine P.
Photos de Roger
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