dimanche 27 avril 2025

2025-04-27 Minerve

Aujourd’hui, cap à l’est, vers la cité de Minerve.
Les prévisions météo se sont montrées contradictoires jusqu’au matin, pluie ou pas pluie ? Nous sommes quand même 23 à faire confiance et nous avons eu bien raison. Pas une goutte de toute la journée et même un beau soleil dans l’après-midi. 
Il a bien plu tout de même en ce printemps et nous avons eu l’occasion, tout au long de la journée de nous extasier devant des rivières bien remplies et bien courantes en des lieux que nous avions pris l’habitude de voir à sec. Cela nous a causé quelques problèmes et quelques détours mais quel bonheur !
Nous partons de Lacaunette sous la conduite de Richard. Un premier gué infranchissable pour atteindre le village et nous faisons le détour par le pont de la route. Puis un beau cheminement nous conduit à Minerve. Nous commençons par une passerelle lancée au-dessus d’un canyon d’où nous surplombons de grands rochers aux formes tourmentées et des gours et marmites remplis d’une eau transparente ; il y a même une maison ! (à vrai dire, un mur, percé d’une fenêtre, qui barre une anfractuosité de rocher). Après quoi, c’est la garrigue en fleurs, le printemps dans toute sa vigueur, dans toutes ses couleurs et toutes ses odeurs. Les cistes s’étalent à perte de vue, c’est une mer rose et mauve, les asphodèles sont malheureusement en grande partie fanés, les touffes de thym forment presque des buissons tellement elles prospèrent et les oiseaux chantent. C’est le printemps et, en plus, il a plu, donc tout croît à grande vitesse. Tout est neuf autour de nous, nous contemplons le spectacle rare des chênes verts et des chênes kermès en fleurs (je ne sais pas s’il faut dire fleurs, ce sont des espèces de chatons qui pendent en grappes au bout des branches), nous pouvons mesurer sur les chênes, sur les genévriers, sur les pistachiers lentisques la pousse de l’année, vert tendre contrastant avec le vert foncé de l’année dernière, les couleurs des fleurs sont éclatantes, même les fleurs de thym sont claires, pas encore foncées par le soleil et le vent. La végétation change un peu lorsqu’on descend, valériane rouge sombre, étoiles des salsifis, cascades de coronilles dorées, coquelicots vermillon, euphorbes aux auréoles vertes et brunes, anthyllides à fleurs rouges (c’est une sorte de trèfle, des piquants rouges sortant d’une boule blanche dans une corolle verte, très joli), molène blanche (en fait jaune), aphyllanthes bleues...
Et voici une belle vue, inhabituelle, sur le village de Minerve, qui mêle falaises et murailles anciennes et puis sa tour ruinée apparaît encadrée dans une arche du pont, de quoi mettre les photographes en activité. Nous devrions traverser ici la Cesse au lit généralement sec. Mais aujourd’hui, elle coule, et même très fort. Nous empruntons donc une autre voie, en corniche, pour arriver au village, mais nous ne pouvons éviter deux petits trajets sur des pierres branlantes au milieu du courant. Impossible encore de passer dans les spectaculaires passages souterrains de la rivière (on dit « ponts naturels » mais pourquoi ponts ? Ce sont des grottes-tunnel), ils sont inondés.
Le site de Minerve est extraordinaire. Son nom lui-même évoque les cultes antiques, mais l’occupation est encore plus ancienne avec, à proximité, des grottes préhistoriques et des oppida protohistoriques. Au Moyen-Âge, il y avait un seigneur vassal des vicomtes Trencavel.  Minerve est un des sites-phares de la Croisade contre les Albigeois. Dans l’été 1210, Simon de Montfort et l’armée croisée vinrent mettre le siège. Le site semblait imprenable, protégé par les ravins qui l’entourent. Mais les croisés usèrent de machines de guerre, des catapultes qu’ils placèrent aux quatre coins des hauteurs qui l’entourent, d’où ils bombardèrent sans trêve les remparts et les maisons. Et on était en juillet, il faisait très chaud  - on imagine bien- et les croisés avaient coupé l’accès au seul puits. La capitulation était inévitable. Il y avait de nombreux hérétiques dans le village, on laissa la vie sauve aux habitants et même aux religieux hérétiques qui abjureraient. Mais ceux-ci préférèrent la mort au reniement et ils furent 140 hommes et femmes à périr sur le premier bûcher du Languedoc.
On dit que, comme le village lui-même n’était bâti que sur des rochers, les habitants ne pouvaient enterrer ceux qui avaient été tués par les tirs de pierres ; alors, ils jetaient leurs corps dans les ravins, ce qui est sans doute à l’origine de la légende qui dit que ce sont les hérétiques qui se sont jetés d’eux-mêmes avant d’être brûlés.
Nous montons donc dans le village, nous le traversons avant d’aborder une autre garrigue. Toujours des fleurs, une étendue d’ail rose tendre, des marguerites jaune d’or et des coquelicots qui dévalent un talus en un tapis sang et or. Et des asphodèles par milliers. Est-ce l’altitude ? Ici, ils sont bien en fleurs, ils se mêlent aux cistes et à tous les  buissons méditerranéens. Depuis des  sentiers très étroits, presque refermés, nous avons des vues extraordinaires sur les gorges du Rian et sur l’eau qui coule, loin en bas. Un petit bout de route au milieu d’espaces brûlés il y a quelques années ; ici, seuls les asphodèles dressent leurs hampes blanches en un contraste saisissant avec les troncs noircis. On s’enfonce de nouveau dans les buissons de la garrigue avant de descendre par une longue piste cimentée dans les gorges du Rian. Au fond, petite halte près de la station de pompage pour boire un coup, il commence à faire chaud !. Puis nous longeons le ruisseau sur de grandes pierres plates avant de traverser sur un petit pont. Au-dessous de nous, l’eau, fauve à gauche, bien verte à droite (c’est le jeu du soleil et des mousses sur les pierres) dévale avec un fort courant. Nous sommes au fond des gorges, au-dessus de nous des falaises impressionnantes, des couches géologiques de toutes les couleurs, des grottes… Quand on est au fond des gorges, généralement, il faut remonter ! Ce que nous faisons par un étroit sentier entre chênes verts, genévriers et cistes, toujours, qui sèment leurs pétales roses sur le chemin, avant d’arriver - enfin !- sur une petite plate-forme ; selon les goûts on cherche l’ombre ou le soleil et c’est la halte pique-nique.
Après une heure de pause, nous voilà repartis sur un sentier bien caillouteux, nous longeons d’abord le pied des falaises, nous nous interrogeons sur les habitants des grottes –oiseaux ? chauves-souris ? Mammifères ? Avant de descendre, de descendre dans les rochers jusqu’au Rian, que nous retraversons sur un petit pont de pierre. Nous remontons par un sentier verdoyant, dans une de chênes ; il y a des grottes, là aussi, dont une habitée par un monstre préhistorique, mais oui ! Nous revoilà à Minerve. Le courant est toujours là, un  escalier bien raide et bien long nous attend pour atteindre la Malvesine, reconstitution d’une des catapultes qui envoya une pluie de rochers sur le village et sur ses murailles lors du siège de 1210.
C’est le retour par le chemin du matin, toujours en fleurs, et, joignant l’utile à l’agréable avant de repartir, une agréable visite-dégustation de la cave de Coupe-Rose.
Merci à Richard pour cette super rando où l’histoire habite des paysages grandioses.
Claudine P.

Photos de Roger

1 commentaire:

  1. Pour les curieux qui posent toujours des questions: la cheminée de La Caunette est ce qu'il reste d 'une ancienne briqueterie....j'avais évoqué un four à chaux !!! C'était une preuve de mon ignorance et de mon inculture!! MEA CULPEA.
    RICHARD

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